Zone de libre-échange des Amériques - ZLEA |
Public ZLEA – COMITÉ DES REPRÉSENTANTS GOUVERNEMENTAUX SUR LA PARTICIPATION
DE MÉMOIRE PRÉSENTÉ EN RÉPONSE À L’INVITATION OUVERTE
ACCORDS SUR L’AGRICULTURE AU SEIN DE LA ZLEA Introduction Les commentaires qui suivent concernent le chapitre sur l’agriculture de l’avant-projet de l’accord de la ZLEA, plus précisément sur les sections 2 et 3, qui portent respectivement sur l’accès aux marchés ainsi que les mesures tarifaires et non tarifaires et les subventions à l’exportation. Premier commentaire 1.1 Les négociations sur l’agriculture menées au sein de la ZLEA semblent subordonnées aux décisions de l’OMC. Tout au long du chapitre, il est évident que dans l’ensemble, les négociations visent la libéralisation du commerce des produits agricoles. Toutefois, il semble que plusieurs décisions clés à ce sujet soient subordonnées aux progrès des négociations de l’OMC, ce qui soulève certaines questions sur ce dédoublement de fonctions et de responsabilités. D’une part, bien qu’il soit reconnu que l’accès aux marchés agricoles et le commerce agricole suscitent de plus en plus de différends sur le plan multilatéral, la subordination des résultats des négociations de la ZLEA aux dynamiques de l’OMC jette un doute sur la pertinence d’inclure un chapitre sur l’agriculture dans l’accord de la ZLEA. D’autre part, le fait de limiter les négociations de la ZLEA aux secteurs les moins délicats du commerce agricole de l’hémisphère fermerait la porte à la tenue de tout débat véritable sur les pratiques et politiques commerciales agricoles dans la région, en particulier en ce qui concerne les relations des pays membres avec les États-Unis, dont le secteur agricole demeure fortement protégé contre les exportations des autres pays de l’hémisphère, ce qui provoque systématiquement d’importantes distorsions sur les marchés agricoles internationaux et régionaux. 1.2 Dans les circonstances actuelles, si le chapitre sur l’agriculture de l’avant-projet était accepté, les pays de l’Amérique latine pourraient être placés dans une situation inacceptable qui les obligerait à ouvrir leurs marchés aux importations agroalimentaires sans bénéficier en retour d’un adoucissement de la politique protectionniste des États-Unis, qui tenteraient de repousser indéfiniment la mise en œuvre de toute résolution subséquente de l’OMC. Ainsi, rien ne serait changé aux conditions inégales actuelles, et l’on continuerait d’exiger des pays de l’Amérique latine qu’ils ouvrent leurs marchés, tout en continuant à leur imposer des obstacles commerciaux infranchissables. 1.3 De même, il ne nous semble pas souhaitable pour la suite des négociations sur le chapitre consacré à l’agriculture que celui-ci soit essentiellement subordonné aux décisions de l’OMC sans procéder au préalable à une évaluation de l’ensemble des incidences des accords sur l’agriculture issus du Cycle de l’Uruguay sur les économies de l’hémisphère, en particulier sur les plus vulnérables d’entre elles. Cette façon de procéder pourrait entraîner au sein de la ZLEA le maintien, voire l’intensification des effets néfastes que le système commercial multilatéral exerce sur le secteur agroalimentaire de la plupart des pays en développement. À ce sujet, il est intéressant d’analyser certaines études menées récemment par la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), qui illustrent très clairement que ces accords n’ont permis aux pays que d’obtenir des résultats mitigés. Dans les faits, ces accords sont conçus en fonction des situations et des intérêts des pays industrialisés, qui usent de leur influence économique pour orienter les discussions sur le commerce agricole et influencer le traité final. Tout accord commercial équitable qui contribue efficacement au développement des pays concernés doit avoir pour objectif de mettre fin à ces pratiques. Deuxième commentaire 2.1 Les principes de traitement national et de traitement de la nation la plus favorisée nuisent à l’adoption d’un traité agricole équitable. Les négociations sur l’agriculture actuellement menées au sein de la ZLEA visent la création d’une zone de libre-échange classique fondée sur les principes de traitement national (section 2, article 3.1) et de nation la plus favorisée. Ces deux principes sont à la base des négociations et influent systématiquement sur toutes les sections et tous les accords adoptés. Nous croyons que l’introduction de ces deux principes dans l’accord de la ZLEA sur le commerce agricole irait à l’encontre de l’intérêt de pays comme le Salvador puisque ces principes entraîneraient la déréglementation complète du marché agricole de ces pays et nuiraient à la mise en œuvre de leur plan de développement national. De plus, l’introduction de ces principes dans le texte des négociations empêcherait ces pays de bénéficier d’un traitement spécial et différencié qui tiendrait compte des différents degrés de développement des structures de production agricole des pays et des écarts considérables qui distinguent leurs économies sur les plans de la taille et du stade de développement. 2.2 Selon la ZLEA, le traitement de la nation la plus favorisée aurait pour résultat d’obliger tout pays qui accorderait une concession agricole à un pays d’accorder la même concession à tous les autres pays membres. Or, les principes de réciprocité et de traitement égal, lorsqu’ils sont mis en pratique dans un contexte caractérisé par l’asymétrie et l’inégalité, ne mènent pas au traitement équitable des pays en développement, mais plutôt à leur exclusion et à l’exercice de discrimination à leur endroit. De même, étant donné les inégalités marquées entre les pays, la réciprocité et le traitement égal des produits, des investissements et des entreprises agricoles de différents pays ne peuvent mener dans les faits qu’à une discrimination qui favorisera les produits, investissements et entreprises des pays industrialisés. L’inclusion de ces principes dans le chapitre sur l’agriculture de l’accord de la ZLEA favoriserait l’industrie agroalimentaire des pays industrialisés au détriment des pays dans lesquels l’agriculture traditionnelle demeure présente, et nuirait au développement rural équitable et durable dans l’hémisphère.
Troisième commentaire 3.1 Dans la région, aucun autre secteur commercial que l’agriculture ne fait l’objet de distorsions aussi importantes, et la ZLEA n’apporte aucune solution. L’un des principaux problèmes des relations agricoles entre les pays de l’hémisphère est la distorsion créée par l’utilisation massive et croissante des subventions et des obstacles de toutes sortes par les pays industrialisés de la région, qui veulent ainsi favoriser leur production agricole, ce qui désavantage les producteurs de l’Amérique latine. L’avant-projet utilisé dans les négociations ne propose aucune solution à ce problème. D’une part, au sein du GATT, de l’OMC et maintenant de la ZLEA, on incite les pays à lever leurs restrictions et à ouvrir leurs marchés agroalimentaires aux exportations le plus rapidement possible. D’autre part, ces pays qui font pression sur les autres mettent en place un système complexe et insurmontable de mesures d’incitation et de diverses mesures protectionnistes (mesures antidumping, subventions à l’exportation, droits d’importation, barrières non tarifaires et normalisation des produits, entre autres) qui leur permettent de protéger leurs producteurs contre la concurrence extérieure. Dans les faits, ces politiques acculent de nombreux producteurs à la ruine. 3.2 Les obstacles au commerce imposés par les États-Unis, par exemple, sont particulièrement nuisibles parce qu’une grande partie de la production des pays de l’Amérique centrale se compose de produits primaires destinés au marché américain. Ces obstacles réduisent donc les perspectives de croissance économique et de création d’emplois des pays touchés. Depuis son entrée en vigueur il y a sept ans, l’ALENA (accord de libre-échange survenu entre le Mexique, les États-Unis et le Canada) montre que l’adoption de ce type de règles et leur intégration à des accords sur le commerce agricole ont un effet dévastateur sur les plans de la pauvreté, du revenu et du développement. Prenons l’exemple de l’exportation des excédents agricoles vers les marchés régionaux à des prix inférieurs au coût de production, qui est l’un des aspects les plus pernicieux des politiques commerciales des pays industrialisés et sur lesquels très peu de progrès sont effectués, même au sein de l’OMC. 3.3 Malgré la complexité de ces questions, le chapitre sur l’agriculture de l’avant-projet de l’accord ne garantit aucunement que ces distorsions seront éliminées par les négociations. Au contraire, les principales parties de la section 3 sur les subventions à l’exportation délèguent la responsabilité de cette question à l’OMC, au sein de laquelle les multinationales peuvent user de leur influence politique et économique pour imposer leurs programmes et leurs objectifs. Quatrième commentaire 4.1 Les accords sur l’agriculture doivent avoir pour objectif l’exercice d’un traitement spécial et différencié. Nous considérons que le traitement juste des entreprises, des investisseurs et des producteurs agricoles étrangers est souhaitable pour les relations entre les États de l’hémisphère. Toutefois, à la lecture du texte, il apparaît évident que les négociations sont axées sur le principe de réciprocité entre les parties, ce qui réduit les chances d’assister à l’adoption d’un traitement spécial et différencié qui soit adapté au stade de développement et aux besoins sociaux et environnementaux de chaque pays. La mise en place d’un accord commercial au sein d’un groupe de pays aussi hétérogène entraînera nécessairement des conséquences inégales qui varieront d’un pays à l’autre. En bout de ligne, les pays industrialisés qui disposent de structures de production intégrées, qui ont accès aux technologies de pointe et qui subventionnent leur secteur agricole provoqueront l’effondrement de secteurs entiers de la structure de production des pays en développement. Les effets de l’ALENA sur des secteurs stratégiques de la production alimentaire au Mexique témoignent avec éloquence des conséquences néfastes de l’ouverture systématique des marchés agricoles dans le cadre d’un accord de libre-échange. 4.2 Il semblerait préférable que les négociations sur l’agriculture dans le cadre de la ZLEA mènent à la mise en place d’un accord commercial équilibré au moyen du traitement spécial et différencié. Grâce à ce type de traitement, les pays vulnérables sur le plan économique pourraient notamment, en vertu de politiques, renforcer leur production agricole, favoriser la sécurité alimentaire et contribuer à l’amélioration des conditions de vie de leurs populations rurales. Ces dispositions seraient conçues pour protéger les producteurs des pays pauvres contre l’augmentation des importations subventionnées et pour accroître l’efficacité des systèmes nationaux de production agroalimentaire. Ces instruments excluraient des négociations de la ZLEA les récoltes destinées à assurer la sécurité alimentaire, conformément aux besoins précis de chaque pays, et permettraient aux pays d’augmenter leurs tarifs douaniers sur les importations agricoles subventionnées qui causent du tort à leur production intérieure. De plus, cet accord nécessite que l’on ne se contente pas de tenir compte des économies de petite taille, comme le précise le texte (section 1, article 2c), mais que l’on s’assure que l’accord prévoit des mécanismes de complémentarité et de coopération économiques qui permettront à ces économies de combler l’écart qui les sépare des pays développés. 4.3 Pour combler ces écarts et contribuer à réduire les inégalités, certaines mesures concrètes s’imposent : orienter les ressources vers la réorganisation et la modernisation du secteur agroalimentaire; renforcer les moyens technologiques et les capacités des entreprises; entreprendre un perfectionnement approfondi de la main-d’œuvre; développer les marchés financiers; renforcer les capacités des institutions publiques et privées; améliorer de façon substantielle l’infrastructure productive et sociale du secteur et aider le secteur à se conformer aux normes internationales phytosanitaires et aux normes de qualité, entre autres mesures. 4.4 L’intégration du traitement spécial et différencié aux négociations commerciales supposerait de redéfinir les règles et processus de négociation actuels de la ZLEA, ainsi que de rétablir les principes et les modèles des accords préférentiels, différenciés et non réciproques pour les pays en développement et de reconnaître aux pays le droit de mettre en pratique des prescriptions de résultats et des règlements nationaux sur les importations agricoles lorsque le bien collectif l’exige. L’adoption de ces règles dans le cadre de la ZLEA supposerait la remise en vigueur d’autres options et mécanismes de négociation recommandés par des organismes internationaux comme l’Association latino-américaine d’intégration (ALADI), la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et le CEPALC. Nous estimons que ces méthodes permettraient la mise en place d’un cadre utile et efficace de gestion des relations commerciales agricoles entre les pays de l’hémisphère. 4.5 En conclusion, nous voudrions souligner que l’échéancier de mise en œuvre du libre-échange, tel que le présente l’avant-projet de l’accord de la ZLEA, ressemble davantage à une fin en soi plutôt qu’à une simple étape sur la voie de l’intégration et de l’union économiques. Bien que l’établissement des zones de libre-échange soit considéré comme la phase initiale du processus d’intégration économique, les textes de la ZLEA ne prévoient aucun mécanisme qui rendrait possible l’édification et le maintien à long terme d’un programme vaste et intégré. San Salvador, le 30 avril 2002 |
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