Zone de libre-échange des Amériques  - ZLEA

english español

 
Déclarations
ministérielles
Comité de négociations
commerciales
Groupes de
négociation
Comités
spéciaux
Facilitation
des
affaires
Société
civile
Base de données
du commerce
et des tarifs
Programme de
coopération
hémisphérique

AccueilPays Plan du site Liste A-Z Contacts gouvernementaux       

 

Public
FTAA.soc/civ/35
Le 24 mai 2002

Original : anglais

ZLEA – COMITÉ DES REPRÉSENTANTS GOUVERNEMENTAUX SUR LA PARTICIPATION DE
LA SOCIÉTÉ CIVILE

MÉMOIRE PRÉSENTÉ EN RÉPONSE À L’INVITATION OUVERTE


Nom Asia I. Russell
Organisme Health GAP Coalition (Global Access Project)
ACT UP Philadelphia (AIDS Coalition to Unleash Power)
Pays États Unis

Président du Comité des représentants gouvernementaux sur la participation de la société civile

c/o Secretaría del Área de Libre Comercio de Las Américas (ALCA)
Apartado Postal 89-10044
Zona 9, Cuidad de Panamá
Republica de Panamá

Objet : INVITATION OUVERTE À LA SOCIÉTÉ CIVILE DES PAYS PARTICIPANT À LA ZLEA

1er mai 2002

Madame, Monsieur,

La Health GAP (Global Access Project) Coalition et ACT UP Philadelphie soumettent ces commentaires en réponse à l’invitation ouverte à la société civile des pays participant à la ZLEA (1er novembre 2001).

Health GAP et ACT UP Philadelphie1 sont des organisations activistes de lutte contre le sida aux États-Unis. Elles se battent pour que les pays en développement, où demeurent 95 p. 100 des 40 millions de personnes atteintes du virus VIH à l’échelle mondiale, puissent obtenir des traitements contre le VIH à un coût abordable.2

Health GAP et ACT UP s’intéressent plus particulièrement à l’incidence de la protection de la propriété intellectuelle sur la santé publique et l’accès à des médicaments essentiels; à l’incidence sur la santé des accords commerciaux régionaux, internationaux et bilatéraux; ainsi qu’à l’incidence des politiques commerciales poursuivies par les États-Unis sur la conclusion d’accords commerciaux visant à promouvoir la santé publique.

Nous avons limité nos observations à l’incidence potentielle que pourraient avoir les textes de négociation provisoires de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), si ces derniers étaient mis en œuvre, sur la santé publique et l’accès aux médicaments dans les pays en développement. Une importance toute particulière a été accordée au chapitre provisoire sur la propriété intellectuelle.

· L’accès à des médicaments abordables et la santé publique : les impératifs qui doivent guider les négociations de la ZLEA

L’accès à des médicaments abordables est un impératif de santé publique, mais également moral, qui doit guider la négociation des accords commerciaux, surtout des accords négociés avec des pays en développement.

Les intérêts motivant les pays développés, plus particulièrement les États-Unis, ainsi que l’industrie des spécialités pharmaceutiques, à créer des monopoles d’invention rigoureux sur des médicaments prolongeant la durée de vie dans les pays en développement a trop souvent donné lieu à la négociation d’accords commerciaux qui accordaient la priorité aux droits de propriété intellectuelle, aux dépens de la santé publique.

Les textes de négociation provisoires indiquent que si d’importantes révisions ne sont pas apportées, la ZLEA risque de mettre en œuvre des clauses radicales au chapitre de la protection de la propriété intellectuelle qui mineront la santé publique et compromettront les progrès réalisés dans le cadre de la Réunion ministérielle de Doha (en novembre 2001) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur la question des droits de la propriété intellectuelle et de l’accès aux médicaments.

Lors de cette réunion, le Groupe des pays africains a réussi à mener les négociations d’une déclaration ministérielle affirmant que les règles de l’OMC ne devraient pas compromettre les capacités des pays à protéger la santé publique. Malheureusement, l’interprétation claire et en faveur du public que proposent les règles de l’OMC convenues à Doha relativement à la santé sera remplacée dans les pays de la ZLEA par un accord qui dépasse les exigences de l’OMC.

En foulant aux pieds les intérêts légitimes et urgents en matière de santé publique des personnes démunies atteintes du VIH et d’autres maladies dues à la pauvreté, un accord de la ZLEA qui serait négocié d’après les conditions du texte provisoire actuel aurait comme impact direct de restreindre l’accès à des médicaments abordables en Amérique latine et dans les Caraïbes.

Du fait que des pays d’Amérique du Sud tels que le Brésil ont la capacité de produire des médicaments génériques destinés à l’exportation, négocier un accord de la ZLEA sans accorder la priorité à l’accès aux médicaments compromettrait également la capacité des pays en développement et des pays les moins développés en dehors de la ZLEA à faire face efficacement au VIH/sida ainsi qu’à d'autres besoins en matière de santé publique qui demeurent sans réponse.

Plus particulièrement, des pays situés dans des régions sévèrement touchées, telles que l’Afrique subsaharienne, sont susceptibles de bénéficier de médicaments prolongeant la vie produits en Amérique du Sud et offerts à des prix abordables. La ZLEA menacera ces efforts, à moins que l’accord ne soit négocié en donnant la priorité à la protection de la santé publique.

Malheureusement, les États-Unis cherchent à mettre en œuvre un accord de la ZLEA qui alourdirait les obligations des pays à respecter les droits de propriété intellectuelle, en sus des exigences déjà importantes établies par l’OMC.3

· La ZLEA ne doit pas alourdir les obligations des pays en vertu de l’ADPIC

Les pays négociant l’Accord de la ZLEA sont déjà membres de l’OMC; à ce titre, ils se doivent déjà de faire respecter les règles rigoureuses relatives à la protection de la propriété intellectuelle mandatées par l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Les titulaires de droits de propriété intellectuelle - notamment l’industrie des spécialités pharmaceutiques - ainsi que les pays développés et en développement s’entendent sur le fait que l’ADPIC est une entente solide qui favorise les intérêts des titulaires de droits de propriété intellectuelle.4

En plus d’autres formes de protection de la propriété intellectuelle, l’ADPIC requiert de l’ensemble des membres de l’OMC qu’ils instaurent et imposent une protection des inventions brevetées pour une durée de vingt ans, y compris pour des médicaments essentiels de lutte contre le VIH. Toutefois, cette obligation comporte des clauses destinées à remédier à des conséquences involontaires de monopoles d’inventions. Une clause importante en matière de santé publique réside dans l’obligation de concéder des licences, c’est-à-dire d'autoriser la fabrication sous licence d’une invention telle qu’un médicament sans la permission du titulaire du brevet. La concession de licences obligatoires dissout les monopoles d’inventions et, par conséquent, réduit les prix. Les règles de l’ADPIC permettent déjà à un pays - par exemple, à la République dominicaine - d’émettre une licence obligatoire à un fabricant de médicaments génériques pour fabriquer un médicament protégé par un brevet dans la République dominicaine. L’ADPIC définit plusieurs exigences et obligations spécifiques qui doivent être respectées lorsqu’un membre de l’OMC émet une licence obligatoire, notamment des clauses prévoyant la compensation du titulaire du brevet.5

Limites à la concession de licences obligatoires

La déclaration ministérielle de l’OMC sur l’ADPIC et la santé publique énonce que chaque membre a le droit d’octroyer des licences obligatoires et la liberté de définir les critères d'après lesquels ces licences sont octroyées.6 Des clauses entre parenthèses du texte de négociation provisoire de l’Accord de la ZLEA limiteraient ce droit d’une manière telle qu’elles auraient une incidence désastreuse sur la santé publique et l’accès aux médicaments (dans les pays de la ZLEA et ailleurs).

Une clause entre parenthèses dans le chapitre sur la propriété intellectuelle7 limiterait l’octroi de licences obligatoires à seulement trois cas : l’usage gouvernemental non commercial, pour remédier à des activités anticoncurrentielles et en cas d’urgence nationale. Contrairement à l’ADPIC, qui autorise explicitement les pays à décider par eux-mêmes des circonstances nécessitant une interruption des monopoles d’inventions, on négocie actuellement l’Accord de la ZLEA de manière à restreindre le droit des pays à se prévaloir de l’octroi de licences obligatoires, sauf dans des cas extrêmement limités.

L’ADPIC devrait constituer un plafond, non un plancher pour les clauses d’accords commerciaux ayant trait aux droits de propriété intellectuelle. On devrait encourager les pays à avoir recours à l’octroi de licences obligatoires, et les soutenir dans cette démarche, chaque fois qu’elle favorise l’accès à des médicaments qui prolongent la vie, plutôt que de leur imposer de sévères critères et restrictions.

Une clause entre parenthèses particulièrement inquiétante empêcherait l’octroi de licences obligatoires à l’exportation (8.64 (6) (b)). Les pays dont le besoin d’avoir accès à des médicaments abordables est le plus aigu sont généralement des pays dont la capacité à produire à des économies d’échelle est la plus faible. Clarifier l’ADPIC pour autoriser l’exportation de médicaments fabriqués sous licences obligatoires à destination de pays ayant peu de capacité, sinon aucune, de produire ces médicaments localement est un problème que l’OMC est actuellement en train d’examiner, et qui doit être résolu d’ici la fin de 2002. Il est inacceptable que l’on tente, dans le cadre des négociations de la ZLEA, de saboter des interprétations de la santé en faveur du public formulées dans le cadre de l’ADPIC, afin d’offrir à des pays la solution la plus rationnelle et la plus à même de répondre aux besoins du public en lui permettant d’obtenir des médicaments exportés et à faible coût.

Prolongement de la durée des brevets

Le texte entre parenthèses de la ZLEA établit également un prolongement de la durée des brevets d’un pays (8.65 (8)). Aucune raison ne justifie que l’on prolonge des monopoles déjà très longs sur des médicaments et d’autres produits de santé essentiels. Ceci accroîtrait les profits revenant aux titulaires de droits de propriété intellectuelle sans que les pays en développement ne puissent prévoir en tirer le moindre avantage. La durée établie de vingt ans est largement suffisante; l’appui du gouvernement américain à ce prolongement - dans le cadre de la ZLEA ainsi que dans d’autres accords commerciaux bilatéraux actuellement en cours de négociation - est injustifié.

Relier l’autorisation de commercialisation au statut des brevets

Le texte provisoire entre parenthèses relierait l’autorisation de commercialiser un médicament au statut de son brevet (8.65 (3)). Cette clause ajoutée à l'ADPIC a entraîné des prix à la consommation abusifs aux États-Unis; les sociétés pharmaceutiques exploitent couramment ce lien pour faire obstacle à l’entrée rapide de médicaments génériques de qualité sur le marché une fois que les brevets ont expiré.

Exporter le lien entre l’autorisation de commercialiser un médicament et le statut de son brevet tel qu’il est d’usage aux États-Unis est préjudiciable à la santé publique; les clauses d'exécution de l’ADPIC sont suffisantes pour protéger un titulaire de brevet de la contrefaçon; relier l’autorisation de commercialisation au statut du brevet d’un médicament ne fait qu’inviter des revendications de brevets illégitimes.

Exigences d’exclusivité des données

Une autre clause ajoutée à l'ADPIC dans le texte provisoire de la ZLEA requerrait une protection de cinq ans des données soumises par une société pour montrer l’efficacité et l’innocuité d’un médicament (8.65 (1)). L’ADPIC n’impose aux pays aucun délai spécifique pour protéger les données d’essais pharmaceutiques.

L’exigence du texte provisoire de la ZLEA prévoyant une exclusivité des données pour une période de cinq ans risque d’empêcher l’apparition de médicaments génériques fabriqués sous licence obligatoire, étant donné que les sociétés produisant des médicaments sous licence obligatoire doivent avoir accès aux données des essais afin de pouvoir commercialiser ces médicaments.

On devrait permettre aux pays de protéger les données des essais pharmaceutiques comme ils le jugent bon et d’interpréter l’exigence de l'ADPIC de protection « raisonnable », plutôt que d’augmenter leurs obligations en vertu de l’ADPIC en établissant une exigence de protection d’une durée de cinq ans.

· La ZLEA doit donner la priorité à la santé publique

La ZLEA a été négociée jusqu’ici sans que l’on se préoccupe de son incidence potentielle sur la santé publique et l’accès aux médicaments. Les clauses du texte provisoire risquent de saper les progrès atteints à l’OMC en supprimant l’accès des pays pauvres à des médicaments génériques produits dans des pays de la ZLEA dans le but d’être exportés dans des pays extérieurs à la ZLEA. Alors que le gouvernement américain entend utiliser la ZLEA pour accroître les obligations des pays à protéger les droits de propriété intellectuelle, nous estimons qu’aucune raison ne justifie le fait que les clauses de la ZLEA relatives à la propriété intellectuelle doivent renforcer les obligations des pays en vertu de l’ADPIC.

L’impératif de préserver l’accès aux médicaments et de promouvoir la santé publique doit figurer au premier plan des négociations de la ZLEA; la société civile n’acceptera pas des clauses relatives aux droits de propriété intellectuelle qui compromettent la vie de personnes atteintes du VIH ou d’affections virtuellement mortelles du fait qu’elles limitent l’accès à des médicaments essentiels et qu’elles sont préjudiciables à la santé publique.

Sincères salutations,

Asia Russell

pour Health GAP et ACT UP Philadelphie

 

copie : Ambassadeur Robert Zoellick, représentant au commerce des États-Unis
Ambassadeur Peter Allgeier, représentant adjoint au commerce des États-Unis
Joseph Papovich, assistant du représentant au commerce des États-Unis pour les services, l’investissement et la propriété intellectuelle


1 Health GAP (Global Access Project) a été fondé en 1999; les organisations membres fondatrices comprennent ACT UP Philadelphie, ACT UP New York, Mobilization Against AIDS International et la International Gay and Lesbian Human Rights Commission. ACT UP (AIDS Coalition to Unleash Power) est une organisation activiste de lutte contre le sida fondée il y a quinze ans.

2 ONUSIDA, « Le point sur l’épidémie de sida ». Décembre 2001.

3 Cf., p. ex., le représentant au commerce des États-Unis, “FTAA Negotiating Group on Intellectual Property, Public summary of U.S. Position.” n.d. et “U.S. Push for Patent Rules Meets Resistance from Chile in FTA Talks.” Inside US Trade 22 mars 2002.

4 Cf., p. ex., “Bilateral and Multilateral FTA Negotiations: Opportunities for Improved IP Protection and Market Access.” PhRMA, annexe 1 à la soumission spéciale 301, 2001

5 D'autres conditions comprennent, mais de façon non limitative : mettre tout en œuvre pour obtenir l’autorisation du titulaire des droits (ADPIC, article 31.b); que la licence obligatoire soit non exclusive, incessible et principalement réservée à l’usage sur le marché intérieur (ADPIC, articles 31.d, e et f)

6 Organisation mondiale du commerce, « Déclaration sur l’accord sur les ADPIC et la santé publique », 14 novembre 2001.

7 page 8.64 (6)

               

pays plan du site liste a-z contacts gouvernementaux