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Public
FTAA.soc/civ/55
Le 24 juin 200
2

Original :
espagnol
Traduction : Secrétariat de la ZLEA

ZLEA – COMITÉ DES REPRÉSENTANTS GOUVERNEMENTAUX SUR LA PARTICIPATION DE
LA SOCIÉTÉ CIVILE

MÉMOIRE PRÉSENTÉ EN RÉPONSE À L’INVITATION OUVERTE


Nom Anne Germain Lefèvre
Organisme Fundación Nacional para el Desarrollo (FUNDE) [Fondation nationale de développement]
Pays Salvador (Amérique centrale)

DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DANS LA ZLEA

Introduction

Les observations suivantes portent sur le chapitre de l’accord sur les droits de propriété intellectuelle et, en particulier, sur la protection des variétés végétales, les savoirs traditionnels sur les ressources génétiques et l’accès à ces ressources.

PREMIÈRE OBSERVATION

Selon le paragraphe 3 de l’article XX sur les accords internationaux et les rapports avec d’autres accords en matière de propriété intellectuelle de la section 1 (DISPOSITIONS GÉNÉRALES ET PRINCIPES FONDAMENTAUX), les pays membres, en plus des principes et règles du chapitre en question, devront observer les dispositions de différents accords internationaux dont l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales (Convention UPOV) et la Convention sur la diversité biologique (CDB).

En ce qui concerne l’Accord sur les ADPIC et la CDB, il nous semble impossible qu’un pays puisse simultanément en observer les dispositions étant donné que leurs démarches respectives sont différentes. En fait, l’Accord sur les ADPIC nuit à la réalisation des objectifs de conservation et d’utilisation durable de la diversité biologique qui sont à la base de la CDB. En insistant uniquement sur la protection des intérêts privés des titulaires de droits de propriété intellectuelle, l’Accord sur les ADPIC, en plus de ne pas tenir compte des droits juridiques des collectivités (qui sont essentiels à la réalisation des objectifs précités), dégage les titulaires des droits de propriété des ressources biologiques de la responsabilité d’assurer la conservation de ces ressources.

L’article 10 de la CDB porte sur la nécessité de promouvoir l’usage coutumier des ressources biologiques, notamment en ce qui concerne l’entreposage des semences en vue de leur réutilisation ou de leur vente. Cette pratique est jugée indispensable à la conservation de la biodiversité. Toutefois, selon la réglementation internationale sur les droits de protection des obtentions végétales fixée dans la Convention de 1991 de l’UPOV, il est interdit de réutiliser les semences de variétés végétales protégées, ce qui fait obstacle à la mise en œuvre de l’article 10 de la CDB.

 

DEUXIÈME OBSERVATION

La section 6 (« BREVETS ») contient quatre versions de l’article XX sur les objets brevetables, et trois de ces versions mentionnent la protection des variétés végétales.

a) La première version, qui expose le contenu de l’article 27.3 (b) sur les variétés végétales de l’Accord sur les ADPIC, prévoit que les pays membres auront la possibilité d’utiliser des brevets, un système sui generis efficace (leur propre législation) ou une combinaison de ces deux moyens pour assurer la protection de leurs nouvelles variétés végétales. Selon ce régime, les pays auraient la latitude voulue pour adopter des lois en fonction de leur situation et de leurs intérêts, ainsi que pour protéger les droits des obtenteurs et des autres secteurs qui interviennent dans le domaine de la biodiversité (collectivités locales et agriculteurs).

b) La deuxième version (paragraphe 6 de l’article XX intitulé « Objet brevetable et exceptions à la brevabilité ») mentionne également le recours à un système sui generis efficace pour assurer la protection des variétés végétales. Cette version présente toutefois une différence importante avec la première : selon cette version, les pays membres devraient considérer le régime des droits sur les obtentions défini dans la Convention UPOV comme le système sui generis. Il s’agit d’un moyen subtil de forcer les pays à adopter les normes internationales relatives aux droits sur les obtentions végétales préconisées par l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) au lieu d’élaborer leurs propres lois.

c) En proposant que le régime de l’UPOV serve de système sui generis, la troisième version (paragraphe 4 de l’article XX intitulé « Objet brevetable ») suppose que les pays membres seraient tenus d’adopter le régime de l’UPOV. Autrement dit, les pays ne pourraient pas adopter leurs propres lois. La Convention de 1991 de l’UPOV semble favoriser les grands producteurs et oblige les petits et moyens producteurs à accroître les montants qu’ils doivent investir dans les matériaux de reproduction qu’ils utilisent pendant la plantation puisque cette convention ne leur permet pas de bénéficier du « privilège de l’agriculteur ». Autrement dit, les agriculteurs qui cultivent une variété protégée ne seraient pas autorisés à vendre les semences tirées de leur récolte, ni à les entreposer ou à les échanger (c’est l’État qui décide d’accorder ou non le droit de réutiliser les semences), ce qui va à l’encontre de tous les droits traditionnels des agriculteurs et, en particulier, des pratiques et coutumes d’échange et d’innovation auxquelles se livrent les petits producteurs depuis des millénaires. Ces pratiques de préservation, de sélection et d’échange de semences sont des moyens essentiels pour les producteurs d’obtenir des variétés adaptées à leur environnement et à leur climat.

La section 10 (« Variétés végétales ») comporte trois différentes versions de l’article XX sur la protection des nouvelles variétés végétales.

a) Selon la première version, les pays membres devraient accorder la protection aux variétés végétales au moyen de brevets, d’un mécanisme sui generis comme le système de l’UPOV ou d’une combinaison de ces deux mécanismes. Cet article sous-entend lui aussi que le régime de l’UPOV devrait servir de système sui generis. De plus, plusieurs paragraphes de cet article portent sur les conditions établies en vertu de la Convention UPOV et qui garantissent le respect des droits sur les obtentions ainsi que les conditions que les nouvelles variétés végétales doivent remplir. Le paragraphe 9, par contre, prévoit la protection des droits des agriculteurs, comme le faisait la Convention de 1978 de l’UPOV, contrairement à celle de 1991).

b) La deuxième version propose que les droits sur les obtentions soient accordés au moyen d’un mécanisme d’enregistrement spécial, mais ne précise pas en quoi consisterait ce mécanisme, ce qui laisse beaucoup de place à l’interprétation et pourrait permettre aux pays de l’Amérique latine d’élaborer des règlements dans ce domaine qui correspondraient à leurs intérêts et à leurs conditions. Dans ce cas, chaque pays pourrait interpréter à sa façon les concepts clés du système (« enregistrement » ou « intérêts légitimes du détenteur », par exemple), définir les droits sur les obtentions, en tentant d’apporter un équilibre entre les groupes qui interviennent dans le domaine de la biodiversité végétale (milieux ruraux, obtenteurs, agriculteurs).

c) Bien que la troisième version ne mentionne pas explicitement le système de l’UPOV, elle décrit les conditions que doit remplir une nouvelle variété végétale (c.-à-d. que la variété doit être nouvelle, homogène, distincte, stable, etc.) pour qu’un certificat d’obtention soit accordé à l’obtenteur, et ces conditions sont identiques aux conditions rattachées au système de l’UPOV. De plus, le certificat d’obtention est une forme de droit de propriété intellectuelle accordé par l’UPOV.

Nous avons voulu illustrer par ces exemples de quelle manière l’avant-projet de l’accord de la ZLEA incite les pays membres à adopter une législation en matière de protection des variétés végétales qui s’inspire de l’UPOV. Contrairement à l’Accord sur les ADPIC, ce type de législation réduit considérablement la marge de manœuvre dont disposent les pays de l’Amérique latine dans l’élaboration d’une législation sui generis qui s’éloigne de la Convention UPOV. Il ne fait aucun doute que les pays de l’Amérique latine qui n’ont pas conclu la Convention UPOV (le Salvador, le Guatemala et le Costa Rica, entre autres) auront beaucoup à faire pour conserver leur marge de manœuvre.

TROISIÈME OBSERVATION

La section 7 du chapitre de l’avant-projet de l’accord de la ZLEA qui nous intéresse porte notamment sur la protection des savoirs traditionnels et l’accès aux ressources génétiques, ce qui représente une amélioration par rapport à l’Accord sur les ADPIC, qui n’aborde ni l’une ni l’autre de ces questions. Compte tenu du débat houleux qui se tient actuellement dans de nombreux pays de l’Amérique latine sur l’incompatibilité de la CDB et de l’Accord sur les ADPIC, l’inscription de ces deux questions au programme des négociations de la ZLEA peut être interprétée comme une tentative de rapprochement avec la Convention sur la diversité biologique. La protection des savoirs traditionnels et le partage des avantages sont également au programme des négociations.

La première version de l’article XX (« Relation entre la protection des savoirs traditionnels et la propriété intellectuelle et relation entre l’accès aux ressources génétiques et la propriété intellectuelle ») exige des pays membres qu’ils protègent les savoirs traditionnels liés à la diversité biologique au moyen d’un système sui generis ou de leur propre législation. Si les pays utilisent leur propre législation, ils doivent voir à ce que celle-ci régisse l’accès aux ressources biologiques et aux savoirs traditionnels d’une manière qui garantira une rémunération juste et équitable pour leur utilisation par des tierces parties. Cette version reconnaît le principe de la souveraineté des États sur leurs ressources biologiques et leurs savoirs traditionnels (établi par la CDB). En conséquence, les États ont la responsabilité de réglementer l’accès à ces ressources par l’adoption de lois nationales. Toutefois, l’article ne précise pas le type de protection de la propriété intellectuelle qui devrait être accordée aux savoirs traditionnels. Les différents types de droits de propriété intellectuelle (brevets, droits d’obtention, droits d’auteur, etc.) accordent une reconnaissance et une rémunération uniquement à l’inventeur ou au groupe d’inventeurs d’un produit, d’une connaissance ou d’une idée, mais il est difficile de faire respecter ces droits au sein de systèmes traditionnels de pratiques et d’innovations fondées sur les savoirs en matière de biodiversité puisque ces pratiques et innovations ne peuvent être attribuées à une seule personne. Elles sont plutôt le fruit d’un travail collectif transmis de génération en génération.

De plus, bien que la « rémunération juste et équitable » pour l’utilisation des ressources génétiques et des savoirs connexes par des tierces parties (par exemple des sociétés pharmaceutiques ou phytomédicales) ait pour objet de contrer le biopiratage tout en remplissant plusieurs exigences de la CDB, dans les faits, ce principe ne donne pas les résultats escomptés pour les régions et pays qui sont les gardiens de la biodiversité. Selon la documentation à ce sujet, les accords de bioprospection (aussi appelés « accords sur l’accès et le partage des avantages ») laissent aux producteurs locaux un pourcentage dérisoire (souvent moins de 1 %) des ventes des produits finis (pharmaceutiques ou phytomédicaux) tirés de la biodiversité et vendus dans l’hémisphère nord. De plus, l’entrée en vigueur de ces accords a entraîné d’autres problèmes, dont l’étroite dépendance de certaines collectivités à la récolte d’une variété particulière de plante commerciale. Ces collectivités perdraient leur unique source de revenus si les entreprises à qui elles vendent leurs récoltes décidaient de s’approvisionner dans un autre pays ou d’utiliser un autre ingrédient moins coûteux. D’autres problèmes découlent des conflits entre collectivités ou membres d’une collectivité à propos de la pertinence de partager des connaissances jugées sacrées par certains d’entre eux.

Par conséquent, nous estimons que la formule de la « rémunération juste et équitable », bien qu’elle permette aux collectivités et gouvernements locaux de tirer des avantages de la biodiversité, n’est pas la solution idéale parce qu’elle relègue la biodiversité et les connaissances connexes au rang de simples produits qui peuvent être exploités injustement et qu’elle ne tient pas compte des multiples avantages que les collectivités locales peuvent tirer de la biodiversité. Enfin, à la lumière des résultats des accords de bioprospection, nous estimons que les pays membres devraient s’employer à chercher au moins un autre modèle ou d’autres moyens d’assurer le partage juste et équitable des avantages de la biodiversité et des savoirs qui y sont liés.

San Salvador, le 30 avril 2002
 

               

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